Unchef d'entreprise va tester le tĂ©lĂ©travail façon Vendredi ou la vie sauvage. Le 8 octobre, il partira pour une Ăźle au large de l'IndonĂ©sie sur laquelle il passera quarante jours. Tout en Nousnous racontons des histoires jusqu'Ă  trĂšs tard en oubliant que nous ne reverront sans doute plus jamais nos proches, et nous finissons par nous coucher. Partager cet article. Repost 0. RĂ©ponse(1 sur 7) : Comme vous n'avez pas mentionnĂ© la longueur et la taille de l'Ăźle et de ma visite, Supposons que je reste quelques semaines sur une Ăźle dĂ©serte et isolĂ©e de quelques centaines de mĂštres de long et de large.. un peu comme ça: Alors, voici l'Ă©quipement que je porterais Ă©videm Lasolution Ă  ce puzzle est constituéÚ de 8 lettres et commence par la lettre K. CodyCross Solution pour ÉMISSION D'AVENTURE SUR UNE ÎLE DÉSERTE de mots flĂ©chĂ©s et mots croisĂ©s. DĂ©couvrez les bonnes rĂ©ponses, synonymes et autres types d'aide pour rĂ©soudre chaque puzzle. LidĂ©e est de proposer Ă  des chefs et des cuisiniers amateurs d’imaginer la chose suivante : « Vous vous rĂ©veillez sur une plage vide, naufragĂ© sur une Ăźle dĂ©serte **. Il y a une source d’eau potable et une petite grotte confortable Ă  proximitĂ© pour CWdemW. Mon amie, ma sƓur, songe Ă  la douceur, d'aller lĂ -bas vivre ensemble
 » Le titre de l'Ă©mission de voyage d'Arte est empruntĂ© Ă  ce si beau poĂšme de Baudelaire "Invitation au voyage". Un magazine remarquable, dont on entend trop peu parler. Une envie de boulettes ?PrĂ©sentĂ© par Linda Lorin tous les jours Ă  16h30 ou en replay sur le site d'Arte, il aborde le voyage de façon intelligente et souvent originale. Depuis quelques jours, il propose une nouvelle formule, un peu plus longue. Avec une nouvelle rubrique baptisĂ©e papille ». C’est une sĂ©quence sans commentaire, sans voix off un coup de projecteur sur une recette typique d’une rĂ©gion ou d’un pays, filmĂ© sur place. A chaque fois, la personne qui cuisine explique ce que le plat reprĂ©sente pour elle, et ce sont souvent de jolies histoires. Au menu ce mercredi 13 janvier boulettes de viandes farcies Ă  la fĂȘta ! Nous sommes en GrĂšce, Ă  Porto Rafti. Pour prĂ©parer les keftedes, il faut d’abord faire cuire les oignons et l’ail une demi-heure. Surtout pas moins, explique Evangelia dans sa cuisine Il ne faut pas se presser, on a besoin de cette demie-heure. Je vais ensuite malaxer avec la viande, tout doucement, pendant vingt minutes. Plus je malaxe, plus les goĂ»ts vont se mĂ©langer, c'est ça le secret. Reconnaissez qu’il est apaisant, le bruit de la viande lentement malaxĂ©e avec les mains. C’est sa mĂšre qui lui a appris cette recette, et Evangelia l’a transmise Ă  ses enfants. Le temps passĂ© Ă  cuisiner les keftedes raconte une histoire de famille. La cuisine, comme souvent, est affaire de transmission et de souvenir. Bienvenue chez les MoominsEux aussi Ă©voquent des souvenirs d'enfance. Dans l’émission Invitation au voyage » de ce mercredi, une rencontre avec les Moomins ! Ce sont des crĂ©atures trĂšs cĂ©lĂšbres en Finlande, Ă©tranges hybrides dodues de trolls scandinaves et d’hippopotames. Ils sont nĂ©s dans les annĂ©es 1940, inventĂ©s par Tove Jansson. Et c’est un voyage sur les traces de cette autrice et illustratrice, devenue une icĂŽne fĂ©ministe, que nous propose Arte. A travers ces personnages Ă  premiĂšre vue un peu naĂŻf, Tove Jansson a esquissĂ© dans ses livres pour enfants une morale subversive pour son Ă©poque. Il faut s’aventurer avec elle dans la vallĂ©e des Moomins pour comprendre le vent de libertĂ© qui souffle dans l’esprit de bien des Finlandais. Cette vallĂ©e n’existe pas vraiment, vous vous en doutez. Mais elle est inspirĂ©e par l’archipel de Pellinki, dans la mer Baltique. Les images de cet endroit sont d’une beautĂ© renversante. Tove passait des vacances en famille sur l'Ăźle luxuriante de Glosolm. Des annĂ©es plus tard, quand elle crĂ©e les Moomins, elle s'inspire de ce dĂ©cor. Tove Jansson Ă©tait lesbienne, Ă  une Ă©poque oĂč les relations homosexuelles Ă©taient interdites en Finlande. Alors elle et sa compagne ont cherchĂ© un refuge oĂč vivre librement elles se sont installĂ©es sur une Ăźle dĂ©serte, lĂ  encore dans l’archipel de Pellinki. Comme un retour dans le paradis insulaire de l’enfance de Tove. VoilĂ  pourquoi cette Ă©mission de voyage est bien fichue le dĂ©cor, mĂȘme sublime, n’est jamais une fin en soi. Il sert Ă  raconter une histoire. Et celle de Tove Jansson mĂ©rite le dĂ©tour. Sans parler des boulettes de viande Ă  la feta ! Invitation au voyage », prĂ©sentĂ©e par Linda Lorin, sur Arte Ă  16h30 ou en replay sur J'Ă©cumais les mers depuis des jours sans aucun signe de vie, la mer Ă©tait calme et le soleil resplendissant. Tout Ă  coup je vis un galion espagnol au loin. -Hissez les voiles et le pavillon noir ! Mes fidĂšles matelots s'exĂ©cutĂšrent. Quand nous arrivĂąmes Ă  proximitĂ© du navire je sorti mon sabre que j'avais volĂ© Ă  un sous officier anglais lors d'une bataille. -Armez les canons et prĂ©parez-vous Ă  l'abordage. -A vos ordres Capitaine ! Nous Ă©tions prĂȘts Ă  les rĂ©duire en cendre ! -Capitaine ! Eux aussi sont armĂ©s ! -Le jour oĂč un espagnol saura viser je brĂ»lerai mon navire moi mĂȘme. Nous Ă©clatĂąmes de rire. -TrĂȘve de billevesĂ©es, parer Ă  faire feu ! Voici le moment qui m'a toujours donnĂ© des frissons pendant toute ma longue vie de flibustier, ce moment c'est l'ordre de faire... -Feu Ă  volontĂ© !!! Poudres et dĂ©bris de bateau volaient dans tout les sens. -A l'abordage ! La lutte Ă©tait sans pitiĂ©, le sang coulait Ă  flot. Soudain le commodore espagnol hurla -Nous nous rendons ! -Sage dĂ©cision, jetez vos armes ! Ils s'exĂ©cutĂšrent. -OĂč cachez-vous vos biens ? -Ils sont dans la cale. Je fis un signe de tĂȘte Ă  l'un de mes fidĂšles moussaillons Jeffrey pour qu'il aille y jeter un oeil. -Que fais un navire espagnol aussi loin de son port d'attache ? -Nous allions rendre visite au gouverneur Jefferson -Ne me faites pas croire qu'il s'agit d'une visite de courtoisie. -Je ne puis vous en parler. -Parle ! Ou je te fais Ă©carteler ! -NON ! C'est bon je vais tout vous dire. Nous venions parler au gouverneur des pirates qui sĂ©vissent non loin de nos cĂŽtes. -Des pirates lĂ -bas ? -Oui, nous avons Ă©tĂ© abordĂ©s. -Ce "pirate" vous a t-il dit son nom ? -Oui, il s'est prĂ©sentĂ© comme Ă©tant le Capitaine Teach. Une colĂšre m'envahi soudain. -Teach ! Puisse-il pĂ©rir en enfer ce traĂźtre ! Teach et moi Ă©tions amis autrefois, nous pillions ensemble puis nous partagions Ă©quitablement ensuite. Jusqu'au jour ou ce scĂ©lĂ©rat fit tuer tout mon Ă©quipage et m'abandonna sur une Ăźle dĂ©serte avec pour seule consolation une bouteille de rhum. Trois jours plus tard un galion britannique passa dans ces eaux et me pris Ă  son bord, je fus emprisonnĂ© en Angleterre durant 7 jours en attendant le chĂątiment rĂ©servĂ© aux pirates. La pendaison ! Le jour de mon exĂ©cution un homme Ă©trange vint ouvrir la porte de ma cellule mais pas avec les clĂ©s, avec un troublon ! Je compris rapidement qu'il ne s'agissait pas du geĂŽlier mais de Jack Anderson un des mes anciens matelot. -Je te croyais mort ! -Si un jour je dois mourir Capitaine cela sera Ă  vos cĂŽtĂ©s. Je le pris dans mes bras en signe de remerciement. -DĂ©pĂȘchons-nous, le bruit a du alerter les gardes. Quelques jours plus tard nous avions Ă  nous deux reformĂ© un Ă©quipage digne de hisser le pavillon noir. Mais revenons Ă  notre cher commodore espagnol. -Alors Jeffrey qui a-t-il dans ces cales ? -Des esclaves et des tonneaux de vin mon Capitaine. -Pouah ! Du vin, quand apprendrez-vous Ă  boire du rhum comme tout homme qui se respecte ? Amenez moi les esclaves sur le pont. Ils Ă©taient une cinquantaine tous espagnol apparemment. -Vous exploitez mĂȘme les gens de votre race, c'est pitoyable, je reconnais bien lĂ  l'esprit espagnol. -Oui mais... -Taisez-vous, si vous vous avisez de parler encore une fois sans que je vous le demande je vous donne Ă  dĂźner aux requins avec en guise de dessert votre fiertĂ© ! J'espĂšre que vous m'avez compris ! -Ou... Ou... Oui. Les esclaves Ă©taient alignĂ©s sur le pont, je marchais le long de cette ligne pour les juger un Ă  un. Quand soudain mon regard se posa sur une ravissante jeune, elle Ă©tait belle comme un ange. -Quel est votre nom ? Elle garda la tĂȘte baissĂ©e et ne rĂ©pondit pas, je mis doucement ma main sous son menton pour lui redresser. Elle avait des yeux magnifiques, entre le vert et le bleu clair. -Emmenez tout ces esclaves sur le "deadboat" le nom de mon navire, nous les relĂącheront sur la terre ferme. -Bien Capitaine ! -Quand Ă  vous commodore je vous dit peut ĂȘtre Ă  bientĂŽt. Nous repartĂźmes sur notre navire en route vers l'Ăźle de la tarentule, les cales pleines de vin et d'esclaves. Je savais que je ne pourrais jamais vivre avec cette jeune espagnole, je suis un flibustier et elle une esclave, j'Ă©cume les mers pendant qu'elle travaille d'arrache pied. Nous arrivĂąmes sur l'Ăźle de la tarentule oĂč les esclaves pouvaient vivre en paix pour le restant de leur jour. c'Ă©tait une Ăźle cachĂ©e connue uniquement de moi et de mon Ă©quipage avec des ressources inĂ©puisables en nourriture et en eau. Je vis pour la derniĂšre fois cette jeune femme quand elle descendit du bateau. Un flibustier de mon espĂšce n'est pas fait pour avoir de femme et encore moins pour aimer. Le projet Clipperton, du nom d’un atoll français Ă©galement appelĂ© Ile de la Passion et situĂ© Ă  l’ouest des cĂŽtes mexicaines dans le Pacifique, est nĂ© de l’idĂ©e pour le moins singuliĂšre de rĂ©unir sur place des reprĂ©sentants des arts et des sciences pour un sĂ©jour de trois semaines. Sept artistes et autant de scientifiques, mexicains, français, amĂ©ricains et britanniques, se retrouveront ainsi en ce lieu insolite et inhabitĂ© en octobre prochain, les premiers afin de travailler sur l’histoire de la petite Ăźle et leur rencontre avec elle, les seconds pour y Ă©tudier les consĂ©quences des changements climatiques et la biosphĂšre. L’ensemble des Ɠuvres et travaux seront par la suite exposĂ©s durant trois annĂ©es Ă  travers le monde, dans diffĂ©rents musĂ©es et fondations. L’initiateur du projet est un Ă©crivain et rĂ©alisateur britannique vivant Ă  Mexico, Jon Bonfiglio, qui entend soulever et creuser ici des thĂ©matiques d’ordre social, culturel et Ă©cologique. Il s’appuie pour cela sur l’écosystĂšme de Clipperton, relativement unique, et sur son histoire, marquĂ©e par un essai de colonisation mexicaine au dĂ©but du 20e siĂšcle qui connut une fin tragique les nouveaux habitants de l’üle, dont l’eau n’était, et n’est toujours pas, potable, y furent oubliĂ©s et la majoritĂ© d’entre eux y moururent du scorbut. Rendez-vous donc en octobre prochain pour suivre ce projet interdisciplinaire et multiculturel inĂ©dit et plein de promesses. Table des matiĂšres Pourquoi Robinson et Vendredi Sont-ils obligĂ© d'inventer un nouveau langage ? Pourquoi l'Indien S'appelle-t-il vendredi ? Pourquoi Robinson ne peut pas utiliser l Evasion ? Quand il visite l'Ă©pave de la Virginie que dĂ©couvre Robinson ? Quelles sont les diffĂ©rences entre Robinson et Vendredi ? Quand Robinson comprend qu'il ne peut pas utiliser l evasion comment Manifeste-t-il son dĂ©couragement ? Quelles transformations Robinson A-t-il apportĂ©es Ă  l'Ăźle dĂ©serte pour la domestiquer ? Comment est mort Tenn dans Vendredi ou la vie sauvage ? Pourquoi Daniel Defoe a Ă©crit Robinson CrusoĂ© ? Quel comportement de Robinson Font-ils apparaĂźtre ? Quels objets rĂ©cupĂ©rĂ© Robinson de l'Ă©pave de la Virginie ? Comment le chien Tenn meurt dans Vendredi ou la vie sauvage ? Comment Robinson Occupe-t-il son temps aprĂšs l'Ă©chec de l'Ă©vasion ? Pourquoi Robinson et Vendredi Sont-ils obligĂ© d'inventer un nouveau langage ? 1. Ils inventent un nouveau langage avec les mains, car ils sont sans cesse interrompus par la cacophonie de perroquets venus dans l'Ăźle pour pondre leurs Ɠufs. Pourquoi l'Indien S'appelle-t-il vendredi ? AprĂšs quelque temps il voit un groupe des Indiens arriver dans l'Ăźle. Tous les Indiens partir exceptĂ© un. Cet Indien est sauvĂ© par Robinson. Robinson est le maĂźtre sur cet Indien qui il appelle Vendredi, parce que il est arrivĂ© en vendredi. Pourquoi Robinson ne peut pas utiliser l Evasion ? Construite loin de la mer, l'arche n'avait eu qu'Ă  attendre que l'eau vĂźnt Ă  elle sous forme de pluie et de ruissellements du haut des montagnes. Robinson avait commis une erreur fatale en ne construisant pas l'Evasion directement sur la plage. Il essaya de glisser des rondins sous la quille pour la faire rouler. Quand il visite l'Ă©pave de la Virginie que dĂ©couvre Robinson ? L'histoire se passe le 29 septembre 1759 en fin d'aprĂšs midi. Robinson est sur “La Virginie” une galiote Hollandaise un bateau avec des mats. Il a laissĂ© sa femme et ses deux enfants Ă  York pour dĂ©couvrir l'AmĂ©rique du Sud et voir s'il ne pourrait pas faire du commerce entre le Chili et son pays. Quelles sont les diffĂ©rences entre Robinson et Vendredi ? Une autre diffĂ©rence notable est la partie relation Robinson/Vendredi. Dans les deux histoires, il y a une relation initiale Robinson est le maĂźtre et Vendredi est l'esclave. Quand Robinson comprend qu'il ne peut pas utiliser l evasion comment Manifeste-t-il son dĂ©couragement ? Le bateau est terminĂ© mais comme il est lourd, il ne peut le dĂ©placer. CHAPITRE 6 DĂ©couragĂ© par l'Ă©chec de L'Evasion », Robinson s'enfonce dans la boue comme les pĂ©caris et les Ă©manations lui troublent l'esprit. Il fait des hallucinations, il voit sa sƓur morte depuis deux ans sur une galĂšre imaginaire. Quelles transformations Robinson A-t-il apportĂ©es Ă  l'Ăźle dĂ©serte pour la domestiquer ? a Quelles transformations Robinson a-t-il apportĂ©es Ă  l'Ăźle dĂ©serte pour la domestiquer ? ... a robinson a amĂ©nagĂ© des espaces cultivables sur l'ile, il a domestiquĂ© les animaux et les a rĂ©unis en troupeaux, et il a construit plusieurs maisons. Comment est mort Tenn dans Vendredi ou la vie sauvage ? Dimanche c'est un mousse apprenti marin , on en parle tout Ă  la fin de l'histoire , son vrai nom est Jean mais Robinson le renomme Dimanche. C'est avec lui que Robinson reste Ă  la fin. Tenn le chien de la Virginie ; le fidĂšle ami de Robinson, il est mort Ă  cause de l'explosion que Vendredi a provoquĂ©e. Pourquoi Daniel Defoe a Ă©crit Robinson CrusoĂ© ? Robinson CrusoĂ© aurait Ă©tĂ© inspirĂ© par l'histoire du marin Ă©cossais Alexandre Selkirk qui survĂ©cut quatre ans sur une Ăźle dĂ©serte. Il existe d'autres rĂ©cits ou lĂ©gendes Ă  propos de naufragĂ©s solitaires. Par exemple, selon Laura Secord, le marin naufragĂ© Pedro Serrano, a Ă©tĂ© retrouvĂ© aprĂšs sept ans de solitude. Quel comportement de Robinson Font-ils apparaĂźtre ? Robinson est civilisĂ© au dĂ©but de l'histoire puis devient sauvage , fou de solitude. Robinson va se rouler dans la boue et marche Ă  quatre pattes. Puis Robinson redevient civilisĂ© en travaillant, il fait des lois, construit une maison, Ă©crit une charte, baptise l'Ăźle et fait des enclos pour les chĂšvres. Quels objets rĂ©cupĂ©rĂ© Robinson de l'Ă©pave de la Virginie ? Des peaux de biques et des nattes de jonc, quelques meubles en osier, la vaisselle et les fanaux sauvĂ©s de La Virginie, la longue-vue, le sabre et l'un des fusils suspendus au mur créÚrent une atmosphĂšre confortable et intime que Robinson n'avait plus connue depuis longtemps. Comment le chien Tenn meurt dans Vendredi ou la vie sauvage ? En fumant en cachette Vendredi jette la pipe de Robinson dans la grotte ce qui cause l'explosion de quarante tonneaux de poudre qu'avait stockĂ© Robinson dans la grotte Ă  l'abri de la pluie. Cela entraĂźne la mort de Tenn. Comment Robinson Occupe-t-il son temps aprĂšs l'Ă©chec de l'Ă©vasion ? Dans le chapitre 6, le lecteur peut s'inquiĂ©ter pour Robinson car celui-ci est en proie au dĂ©sespoir. Il a Ă©tĂ© dĂ©couragĂ© par l'Ă©chec de son bateau L'Évasion ». Il suit des pĂ©caris dans la boue et y reste pendant des heures. 1 Il reste peut-ĂȘtre peu Ă  dire sur l’üle depuis le court article de Gilles Deleuze, paru en 1953. Il partait, dans le vocabulaire qui est le sien, des origines gĂ©ographiques des Ăźles, tantĂŽt continentales, nĂ©es d’une dĂ©sarticulation, d’une Ă©rosion, d’une fracture », tantĂŽt ocĂ©aniques prĂ©sent[a]nt un vĂ©ritable organisme [
], elles surgissent d’éruptions sous-marines, elles apportent Ă  l’air libre un mouvement des bas-fonds » [1953] 2002 11. À ce statut gĂ©ologique s’ajoute Ă©videmment une portĂ©e narrative – il y a un rĂ©cit dans chaque Ăźle RĂȘver des Ăźles, avec angoisse ou avec joie, peu importe, c’est rĂȘver qu’on se sĂ©pare, qu’on est dĂ©jĂ  sĂ©parĂ©, loin des continents, qu’on est seul et perdu – ou bien c’est rĂȘver qu’on repart Ă  zĂ©ro, qu’on recrĂ©e, qu’on recommence » [1953] 2002 12 ; elle constitue pourtant l’origine, mais l’origine seconde. À partir d’elle tout recommence. L’üle est le minimum nĂ©cessaire Ă  ce recommencement, le matĂ©riel survivant de la premiĂšre origine1 » [1953] 2002 16. Enfin, pour Deleuze, l’üle – l’üle dĂ©serte plus particuliĂšrement – est imaginaire et non rĂ©elle, mythologique et non gĂ©ographique. Du mĂȘme coup son destin est soumis aux conditions humaines qui rendent une mythologie possible. La mythologie n’est pas nĂ©e d’une simple volontĂ©, et les peuples ont tĂŽt fait de ne plus comprendre leurs mythes. C’est mĂȘme Ă  ce moment-lĂ  qu’une littĂ©rature commence [1953] 2002 14-15. 2VoilĂ  oĂč nous laisse Deleuze et oĂč des chercheurs en littĂ©rature se sont risquĂ©s2, non sans quelques recoupements et redites, le tout accompagnĂ© de nombre d’études de cas, culturels et littĂ©raires. L’intĂ©rĂȘt de ce thĂšme de recherche reste pourtant entier malgrĂ© les hypothĂšses formulĂ©es et appuyĂ©es sur de vastes corpus culturels, certaines Ɠuvres s’avĂšrent intouchĂ©es bien qu’elles parlent du statut spatial particulier de l’üle et contredisent mĂȘme certains systĂšmes d’analyse osĂ©s jusqu’ici. L’apparition Ă©galement d’une proposition tĂ©lĂ©visuelle gigantesque, s’ébauchant sur six saisons et des dizaines d’épisodes qui mettent en scĂšne une Ăźle, centrale, Ă  la fois adjuvante et opposante mais, plus encore, constituant l’objet de la quĂȘte du rĂ©cit – d’abord quitter l’üle, puis retourner sur l’üle et, ultimement, comprendre l’üle –, ouvre le spectre d’analyse et actualise l’imaginaire Ăźlien il n’est pas Ă©tonnant en ce sens que l’étude succincte de la tĂ©lĂ©sĂ©rie Lost serve, dans le prĂ©sent article, Ă  comprendre le ressort narratif d’un tel lieu. 3Sous diffĂ©rentes formes, les analystes de l’üle acceptent gĂ©nĂ©ralement le double statut de cet espace. Être seul ou perdu / repartir Ă  zĂ©ro, recrĂ©er, disait Deleuze, ce qu’Anne Meistersheim formule en d’autres termes Si les Ăźles sont bien “fermetures”, elles sont aussi, et tout aussi Ă©videmment “ouverture” » 1993 112. Elle marque en effet que la prison est une vocation permanente de l’üle » 1993 111, bien que pour les continentaux, [elles] signifient libertĂ©, nuditĂ©, lieu privilĂ©giĂ© du naturalisme et de la permissivitĂ© » 1993 112. 4Il semble Ă©vident, dĂšs lors, que sur le plan narratif, l’espace Ăźlien contraigne les actions, les pensĂ©es, les possibles. Michel Foucault, dans une confĂ©rence bien connue prononcĂ©e en 1967, prĂ©sentait les hĂ©tĂ©rotopies », ces espaces diffĂ©rents, ces autres lieux, [faits d’]une espĂšce de contestation Ă  la fois mythique et rĂ©elle de l’espace oĂč nous vivons » 2001 1575. L’hĂ©tĂ©rotopie rĂ©pond ainsi au double statut de l’üle, et Ă  plus forte raison de l’üle dĂ©serte » rĂȘvĂ©e et aliĂ©nante, possible, voire probable, mais n’existant pas selon le mĂȘme rĂ©gime que les autres emplacements. Or, Foucault souligne bien que le navire [e]st l’hĂ©tĂ©rotopie par excellence » [C]’est un morceau flottant d’espace, un lieu sans lieu, qui vit par lui-mĂȘme, qui est fermĂ© sur soi et qui est livrĂ© en mĂȘme temps Ă  l’infini de la mer » 2001 1581. Sans le dire, il semble que Foucault, par cette remarque, place l’üle mythologique et non rĂ©elle » de Deleuze dans la catĂ©gorie qui lui a Ă©tĂ© historiquement assignĂ©e l’utopie3. D’ailleurs, Ă  l’origine, les fictions de l’üle constituaient de vĂ©ritables propositions utopiques. Nous interrogerons, dans le prĂ©sent article, le statut de l’üle dans les productions culturelles contemporaines se peut-il, en effet, qu’elles appartiennent davantage Ă  l’hĂ©tĂ©rotopie qu’à l’utopie ? L’hĂ©tĂ©rotopie semble pouvoir Ă©clairer l’üle comme emplacement » contemporain et c’est la prĂ©gnance de ce concept que nous mettrons de l’avant dans nos analyses. Cela dit, nous devons ajouter que notre postulat n’a valeur qu’en regard des conceptions et des narrations contemporaines. En effet, il serait oiseux de prĂ©tendre que l’üle comme utopie constitue une vue de l’esprit » ou une dĂ©rive thĂ©orique ; il semble que l’üle ait eu une fonction utopique claire dans l’histoire littĂ©raire et culturelle, et des travaux d’intĂ©rĂȘt l’ont habilement dĂ©montrĂ©4. 5Évidemment, pour les besoins de notre dĂ©monstration, nous assoirons en premier lieu quelques dĂ©finitions, aprĂšs quoi les analyses d’Ɠuvres mettront en relief le statut particulier de l’üle, d’abord comme mĂ©taphore dans le roman La beautĂ© de l’affaire de France Daigle, puis comme espoir dans le roman L’üle de lumiĂšre de Nathalie Archambault, et enfin comme quĂȘte dans Le conte de l’üle inconnue de JosĂ© Saramago. La tĂ©lĂ©sĂ©rie Lost fermera la marche, en maniĂšre de synthĂšse dans cette Ɠuvre de la culture populaire se trouvent rĂ©unies diffĂ©rentes conceptions de l’üle qui nourriront notre Ă©tude, l’amenant, du coup, Ă  se nuancer. L’üle de l’utopie Ă  l’hĂ©tĂ©rotopie 6Il faut dĂ©jĂ  mettre en doute certaines Ă©vidences qui travaillent gĂ©nĂ©ralement Ă  dĂ©finir l’üle. En premiĂšre instance, la gĂ©ographie l’üle dĂ©serte comme nous l’entendons ne peut se comprendre strictement selon sa constitution gĂ©ologique ou sa topologie. Dans Qu’est-ce qu’une Ăźle ? », Françoise LĂ©toublon, Paola Ceccarelli et Jean Sgard 1996 rassemblent, pour prĂ©senter leur ouvrage, une foule de dĂ©finitions – historique, Ă©tymologique, littĂ©raire, mythologique – qui toutes au final ne se recoupent qu’en un point l’üle est isolĂ©e de tous les cĂŽtĂ©s par les eaux. Cet isolement constitue sans aucun doute la matiĂšre mĂȘme de son esprit » utopique. 7Foucault dĂ©finit l’utopie assez simplement Ce sont les emplacements qui entretiennent avec l’espace rĂ©el de la SociĂ©tĂ© un rapport gĂ©nĂ©ral d’analogie directe ou inversĂ©e. C’est la sociĂ©tĂ© elle-mĂȘme perfectionnĂ©e ou c’est l’envers de la sociĂ©tĂ© mais de toute façon, ces utopies sont des espaces qui sont fondamentalement essentiellement irrĂ©els 2001 1574. 8Dans tous les cas, peut-on comprendre, l’utopie est Ă  l’extĂ©rieur de la sociĂ©tĂ© l’envers de, elle la reprĂ©sente par un aspect microcosme ou en tout macrocosme ; ce rapport de reprĂ©sentation suppose donc une dĂ©saffiliation historique au profit du rapport d’analogie ». L’isolement de l’üle permet cette nouvelle filiation aux espaces rĂ©els. Des communautĂ©s distinctes, non civilisĂ©es – au sens historique – peuvent reprĂ©senter la civilisation, dans un sens mĂ©lioratif ou pĂ©joratif. Ces Ă©tats de nature », oĂč le merveilleux, l’invraisemblance et, un peu diffĂ©remment, les thĂ©ories sociales et Ă©conomiques peuvent s’exaucer », excluent la civilisation, pour la reprĂ©senter ou la dĂ©construire. 9Pour concevoir l’üle dĂ©serte mythologique » au-delĂ  de l’utopie, il faut donc ĂȘtre capable de la penser dĂ©livrĂ©e de son isolement. Elle ne peut, en effet, ĂȘtre en rapport d’analogie avec l’univers rĂ©fĂ©rentiel si elle appartient Ă  cet univers. Or, dans moult fictions, si l’üle semble effectivement appartenir Ă  l’univers de rĂ©fĂ©rence de la fiction, c’est dans un rapport problĂ©matique l’üle impose une distanciation du monde rĂ©el sans trancher le lien qui l’y attache. C’est en ce sens que Deleuze effectue l’opposition entre la recrĂ©ation mythique de l’üle dĂ©serte » et un rĂ©cit plus naturaliste de l’üle ; Robinson CrusoĂ©, par exemple, nous dit encore Deleuze, a fait place Ă  la recomposition de la vie bourgeoise Ă  partir d’un Capital. Tout est tirĂ© du bateau, rien n’est inventĂ©, tout est appliquĂ© pĂ©niblement sur l’üle » [1953] 2002 15. L’üle du coup est colonisĂ©e, le rapport d’utopie n’existe plus. 10Il reste toutefois une conception mitoyenne l’hĂ©tĂ©rotopie. Pour Foucault, ces hĂ©tĂ©rotopies peuvent ĂȘtre dĂ©finies comme [
] des lieux rĂ©els, des lieux effectifs [
] qui sont des sortes de contre-emplacements, sortes d’utopies effectivement rĂ©alisĂ©es dans lesquelles les emplacements rĂ©els, tous les autres emplacements rĂ©els que l’on peut trouver Ă  l’intĂ©rieur de la culture sont Ă  la fois reprĂ©sentĂ©s, contestĂ©s et inversĂ©s, des sortes de lieux qui sont hors de tous les lieux, bien que pourtant ils soient effectivement localisables 1984 47. 11Afin de pouvoir analyser les hĂ©tĂ©rotopies, ces espaces autres, le philosophe propose une rĂ©flexion qui s’appuie sur six principes. À la lumiĂšre de ceux-ci, nous croyons que l’üle telle que conçue dans les fictions contemporaines appartiendrait effectivement – et gĂ©nĂ©ralement – au rĂ©gime hĂ©tĂ©rotopique. En effet, l’üle, comme bon nombre de lieux romanesques, n’existe pas dans notre rĂ©alitĂ©, dans le monde du lecteur, mais existe dans le rĂ©el reprĂ©sentĂ© par le texte. Pour les personnages qui se meuvent, les lieux fictionnels demeurent rĂ©els, ils deviennent effectifs. Ainsi, deux Ă©lĂ©ments prĂ©cis devront ĂȘtre pris en compte dans notre analyse de l’üle d’abord, l’origine de l’üle – est-elle issue d’une fabulation, existe-t-elle vraisemblablement dans l’univers fictionnel ? Ensuite, le rapport des personnages et de leur quĂȘte Ă  cette Ăźle est-ce une quĂȘte intĂ©rieure, attachĂ©e Ă  des enjeux pragmatiques ? L’üle comme crĂ©ation 12La figure hĂ©tĂ©rotopique de l’üle se retrouve explicitement dans le roman – au titre Ă©vocateur – La beautĂ© de l’affaire. Fiction autobiographique Ă  plusieurs voix sur son rapport tortueux au langage de l’écrivaine acadienne France Daigle. S’y dĂ©veloppent trois trames narratives superposĂ©es, dont l’une met en scĂšne un homme qui [
] s’en allait dans une Ăźle bĂątir une clĂŽture » 1991 225. Dans un premier temps, on indique que [t]out le monde sait que l’üle est inhabitĂ©e » BA 44. Est-ce que cela signifie que l’üle est inhabitable ? Si cela s’avĂšre, pourquoi l’homme dĂ©cide-t-il d’y bĂątir une clĂŽture ? Dans un deuxiĂšme temps, on mentionne que l’üle, soulignant en cela la portĂ©e hĂ©tĂ©rotopique du lieu, est inabordable en quelque sorte, un royaume, qui n’absorbe pas l’histoire, mais qui la reflĂšte » BA 34. Cette phrase rappelle Ă©videmment un des principes de Foucault – L’hĂ©tĂ©rotopie a le pouvoir de juxtaposer en un seul lieu rĂ©el, plusieurs espaces, plusieurs emplacements qui sont en eux-mĂȘmes incompatibles », Ă©crit-il. Que le narrateur considĂšre l’üle comme un royaume indĂ©pendant de l’Histoire marque son statut ambigu royaume inhabitĂ© et que nul n’habitera puisqu’inabordable, l’üle n’appartient Ă©videmment pas Ă  la sociĂ©tĂ© et, par le fait mĂȘme, au discours historique qui raconte cette sociĂ©tĂ©. En ce sens, l’üle existe dans un rĂ©el qu’elle reflĂšte, elle l’accompagne sans l’absorber ». La dĂ©sertion de l’üle, idylle du contexte d’écriture, semble nĂ©anmoins lui supposer un statut utopique reflet du monde sans participer Ă  son spectacle », elle serait le lieu idĂ©al de l’ascĂšse intellectuelle. Or, sa portĂ©e mĂ©taphorique, textuelle, pousse Ă  d’autres considĂ©rations. 13En effet, le symbolisme associĂ© Ă  l’homme et Ă  son projet de clĂŽture dans une Ăźle semble capital pour actualiser le sens du roman, car la solitude inhĂ©rente Ă  l’écrivain liminaire6 se trouve reprĂ©sentĂ©e dans cette trame narrative. Pourquoi en effet construire une clĂŽture dans une Ăźle alors que l’eau Ă©rige dĂ©jĂ  la barriĂšre de l’isolement ? Sans bateau, sans chaloupe, impossible de se rendre sur une Ăźle. Il s’agit en fait d’une protection double la protection de son Ɠuvre l’üle et la protection de son rĂŽle de crĂ©ateur. L’homme veut Ă  tout prix se protĂ©ger, car il [
] n’a parlĂ© Ă  personne de son projet. Il sait le ridicule qui guette les formes accĂ©lĂ©rĂ©es de crĂ©ativitĂ© » BA 26. Ainsi la clĂŽture sert Ă  protĂ©ger le projet que l’on construit en solitaire tout comme le romancier qui Ă©crit son roman. Rappelons que l’üle reflĂšte l’histoire et que l’insĂ©curitĂ© de l’homme face Ă  son Ɠuvre le force Ă  la protĂ©ger. On parle d’ailleurs de vocation rĂ©elle de la clĂŽture » BA 33 comme on parle parfois de la vocation de l’écrivain. Allant dans le mĂȘme sens, la mort subite de ce personnage permet de comprendre qu’il ne s’agissait pas d’un simple homme Ă  tout faire Il avait d’autres idĂ©es, d’autres projets. C’était un crĂ©ateur. Il voyait les choses dans une perspective globale et savait attendre les signes » BA 38. Il – tout comme l’üle – se rapproche ainsi de la figure de l’écrivain liminaire qui doit travailler en solitaire, sortir du groupe, pour Ă©tablir une certaine cohĂ©rence. 14Par ailleurs, l’üle hĂ©tĂ©rotopique de Daigle doit Ă©galement ĂȘtre comprise selon le sixiĂšme principe de Foucault, c’est-Ă -dire la mettre en relation avec l’espace restant du roman. Les deux autres trames narratives prĂ©sentent elles aussi des figures spatiales particuliĂšres l’église et le terrain vague. Dans l’une d’elles, l’église occupe une place importante L’architecte prie. À genoux dans l’église de pierre qui s’étend loin par-devant et par-dessus lui, il incline lĂ©gĂšrement la tĂȘte, ses yeux baissĂ©s fixant un point en deçà de ses mains jointes [
]. L’Église est la maison du Seigneur » BA 7. Comme on peut le constater, l’église est imposante et l’architecte paraĂźt bien minuscule, presque Ă©crasĂ© par l’étendue de la construction. Que cherche l’architecte dans cet espace ? Pour quelles raisons se recueille-t-il ? Ce dernier prie le [
] Grand BĂątisseur de lui indiquer la voie de maisons Ă  construire qui soient plus parfaites encore » BA 7. En se tournant vers la religion pour trouver sa voie, il indique par le fait mĂȘme ses imperfections et son incapacitĂ© Ă  se servir de ses compĂ©tences. Curieusement, l’architecte est atteint d’une certaine forme d’immobilisme, mais [s]on immobilitĂ© Ă  lui dĂ©note plutĂŽt un manque de structuration, une tendance Ă  l’affaissement » BA 41. À premiĂšre vue, il est Ă©tonnant qu’un architecte manque de structuration et qu’il puisse s’affaisser. Il est inutile de mettre en Ă©vidence les rĂ©sultats catastrophiques obtenus par un architecte qui tracerait des plans caractĂ©risĂ©s par un manque de structure. Les prĂ©occupations de l’architecte dans l’église sont donc liĂ©es de façon singuliĂšre Ă  la construction de maisons. Dans une perspective globale, c’est la transformation de l’espace, la cohĂ©sion de la structure qui l’intĂ©resse. 15Dans l’autre trame narrative, on apprend qu’un groupe d’écrivains acadiens a Ă©tĂ© engagĂ© pour [
] transformer un de ces terrains vagues du centre-ville en un espace vert, agrĂ©able et sĂ©duisant pour petits et grands, un espace oĂč les enfants aimeraient jouer et courir et oĂč les grands aimeraient s’asseoir pour les regarder, ou pour lire, ou pour dormir au soleil, ou Ă  l’ombre BA 17. 16Contrairement Ă  l’église de pierre, il s’agit ici d’une construction en devenir. Cependant, tout comme l’église, cet espace vert permettra de rĂ©unir les gens, peu importe leur Ăąge. Le projet fait en sorte que les Ă©crivains doivent collaborer en premier lieu pour qu’ensuite la population puisse profiter du terrain vague transformĂ©. Une autre particularitĂ© du projet est que celui-ci doit ĂȘtre entourĂ© d’une [
] clĂŽture mĂ©tallique grillagĂ©e qui empĂȘche le vague du terrain de se rĂ©pandre sur le trottoir » BA 29. La connotation nĂ©gative du verbe rĂ©pandre suggĂšre qu’il faut circonscrire le terrain Ă  ses frontiĂšres et ne surtout pas le laisser envahir les espaces limitrophes. Il est clair que de rĂ©unir un groupe d’écrivains dans un espace clos peut causer certains problĂšmes de communication et de cohĂ©sion. En fait, la situation cause mĂȘme parfois [
] des moments d’hystĂ©ries ou d’aliĂ©nations passagĂšres [
] » BA 35. Cependant, dans son ensemble, le projet de transformation du terrain vague en espace vert reste en lui-mĂȘme trĂšs positif. Le lieu en mutation permet aux Ă©crivains de sortir, le temps d’un projet, de leur solitude. 17En intĂ©grant l’üle Ă  un systĂšme de signes plus vaste – l’église et le terrain vague –, on comprend mieux pourquoi le personnage architecte [
] cherche des liens entre ce qui se prĂ©sente Ă  lui comme une foule d’élĂ©ments disparates. Il cherche une cohĂ©sion d’ensemble, et cette cohĂ©sion, quand il la trouve, il la projette dans l’espace » BA 47. Le vĂ©ritable espace qui superpose l’üle, l’église et le terrain vague se trouve dans l’existence mĂȘme de la fiction. L’üle devient mĂ©taphore de l’Ɠuvre. Elle existe vĂ©ritablement pour l’homme Ă  la chaloupe, mais en relation avec les autres figures spatiales, il faut la comprendre comme un avatar du roman en devenir. RenĂ© Plantier ne disait pas autrement L’histoire de l’homme Ă  la chaloupe recoupe l’histoire d’écrire, laquelle recoupe l’histoire de l’architecte et de sa femme, qui recoupe une histoire de chantier. Nous notons, au passage, la contiguĂŻtĂ© sĂ©mantique entre le mĂ©tier de l’architecte et ledit chantier, lequel chantier, comme l’üle, comme l’üle-texte, est aussi un chantier-texte 1996 145. 18Pour les crĂ©ateurs comme France Daigle, Ă©voluant dans une sociĂ©tĂ© liminaire, la cohĂ©sion doit d’abord et avant tout signifier dans l’espace. Ainsi, le personnage elle » – la narratrice anonyme – ne peut qu’utiliser ce qu’elle connaĂźt, c’est-Ă -dire [e]ncore un jeu d’assemblage et de construction. Elle dit qu’elle peut seulement croire Ă  ce qui Ă©clate dans tous les sens, ou Ă  ce qui ne bouge pas, Ă  une certaine fixitĂ© » BA 13. C’est pourquoi les trois figures spatiales que la voix propose – l’église oĂč l’on prie pour construire des maisons parfaites, l’üle et le terrain vague devenu espace vert – abordent Ă  leur façon l’écriture et la relation qu’entretient l’écrivain liminaire avec sa communautĂ©. L’üle n’est pas isolĂ©e. Par l’eau, par l’écriture, elle entre en relation avec le monde. L’üle de l’espoir 19Dans L’üle de lumiĂšre de la Madelinienne Nathalie Archambault, une mĂšre et son fils cherchent l’üle d’Ensueño – littĂ©ralement, l’üle de rĂȘve. Ils y espĂšrent le retour du pĂšre, ce grand voyageur qui se promĂšne d’üle en Ăźle pour photographier des dĂ©cors magnifiques. Pour tenter de recrĂ©er une cellule familiale fonctionnelle, les deux protagonistes doivent se rendre sur cette Ăźle et apprendre Ă  vivre sans le pĂšre. On trouve dans le roman les vers du poĂšte Pablo Neruda, autant en version originale qu’en traduction française. Ceux-ci permettent de comprendre que le voyage de cette mĂšre et de son enfant se situe autant dans l’espace rĂ©el que dans la nature imaginaire et imaginante de l’écriture. L’üle devient ainsi un idĂ©al Ă  atteindre – l’üle de tous les recommencements –, un monde parfait qui ferait oublier le douloureux dĂ©part du pĂšre. L’üle mĂȘme, dans ce roman, on le remarque vite, ne peut pas seulement ĂȘtre comprise dans un sens littĂ©ral. Eva, la mĂšre, le note dans les premiĂšres pages Elle est si petite que je pourrais façonner tout son sable pour nous construire un chĂąteau blanc. [
] Les maisons sont des coquillages pĂąles, dispersĂ©s çà et lĂ  sur le rivage par les grandes marĂ©es » 2000 117. En chemin sur la carte du monde, la narratrice nous fait part de son rĂȘve C’est une Ăźle, une sculpture singuliĂšre et Ă©tonnante, d’une beautĂ© dĂ©chirante. Elle est toute petite, mais les crevasses, les gorges qui se creusent laissent croire Ă  quelque chose d’infini » IL 45. Contrairement aux deux personnages principaux qui cherchent cette Ăźle comme l’espoir d’un monde meilleur, les habitants de l’üle sont issus des naufrages, de sorte que [l]eurs langues, leurs rĂ©cits viennent de partout, de nulle part » IL 46. Comment alors interprĂ©ter le sens de cette Ăźle ? Qu’est-ce qui fait que celle-lĂ  et nulle autre doive ĂȘtre trouvĂ©e ? Un long passage fournit certainement une piste de lecture Cette plus petite des Ăźles Ă©voque Ă  la fois la libertĂ© et la solitude. Elle est libre, car enfin elle a rĂ©ussi Ă  se sĂ©parer du continent. DorĂ©navant, la place qu’elle occupe lui appartient entiĂšrement. En mĂȘme temps, elle Ă©voque l’exil le plus complet, car poussĂ©e aussi fort, elle se retrouve maintenant loin de ses origines. À la maniĂšre des grands explorateurs, tu voudrais ĂȘtre le premier homme Ă  poser ton regard sur cette Ăźle, ce serait un peu Ă©pier le commencement du monde. Comme Darwin qui a dĂ©couvert l’üle porteuse de la solution de l’énigme, tu cherches ton Ăźle lumiĂšre, tout ton ĂȘtre va vers son image IL 49. 20Reprenant presque les mots de Deleuze, cette Ăźle montre la nouvelle origine, le dĂ©tachement de l’ordre ancien. Dans cette fiction consciente de sa propre Ă©criture, l’üle abrite une maison ; [s]ur la table, il y a une feuille blanche » et le personnage principal y laisse glisser un crayon, lentement » IL 59. À l’instar d’un bateau qui dĂ©rive, le crayon se perd dans les vagues de la page. De la plage de l’üle Ă  la page du livre, il n’y a qu’un pas. D’ailleurs, Ă  la fin du roman, devant le constat que le mari et pĂšre ne reviendra pas, l’üle agit comme ultime refuge. Elle se redresse, lente et en silence, au milieu de la tourmente. Sa petitesse, sa vulnĂ©rabilitĂ© laissent deviner une nouvelle naissance [
] » IL 92. La figure devient un vĂ©ritable point d’ancrage pour Eva et Noah. Elle n’est pas seulement synonyme de survie, mais prend elle-mĂȘme vie. Ainsi, [e]lle demeurera bien ancrĂ©e au milieu de l’ocĂ©an, occupĂ©e tout entiĂšre Ă  accueillir les naufragĂ©s » IL 93. 21Devant l’incertitude spatiale du bateau se prĂ©sente donc le continent, rĂ©el, dur, historique, celui de l’homme de la terre » et, possible, l’üle – inconnue, introuvable, inabordable, de rĂȘve – qu’on cherche Ă  habiter de l’écriture et Ă  laquelle on veut insuffler le sens. Nul ne peut entendre la parole qui en survient, mais sans doute existe-t-elle, dans l’imaginaire, prĂ©cisĂ©ment pour cette parole ineffective. À cette portĂ©e mĂ©taphorique de l’üle s’ajoute la contrainte diĂ©gĂ©tique l’üle doit ĂȘtre abordĂ©e et n’apparaĂźt dans le rĂ©cit que selon certains schĂ©mas rĂ©vĂ©lateurs. Un de ces schĂ©mas fonctionne selon le quatriĂšme principe de Foucault. Dans le roman, l’hĂ©tĂ©rotopie de l’üle passe en effet par son hĂ©tĂ©rochronie, car au-delĂ  de l’üle en rĂȘve, il y a l’üle rĂ©elle dans laquelle se superposent diffĂ©rentes temporalitĂ©s. Dans la section narrĂ©e par le fils, ce dernier rapporte une histoire qui provient d’Ana, la conteuse de l’üle. Elle raconte que dans la maison oĂč habitent Noah et sa mĂšre vivaient un pĂȘcheur et son fils. Ce fils Ă©tait fascinĂ© par les jeux de lumiĂšre. Avec des morceaux de verre, il jouait Ă  projeter la lumiĂšre dans les endroits sombres » IL 77. Le garçon adore l’üle, mais [
] ne peut s’empĂȘcher de rĂȘver Ă  ce qui se trouve plus loin » IL 78. Il souhaite donc partir sur les mers pour dĂ©couvrir d’autres Ăźles uniques. AprĂšs la disparition du pĂšre pĂȘcheur dans une grande tempĂȘte, [l]e fils quitta son Ăźle. Il disparut, lui aussi, Ă  sa façon » IL 80. Cette histoire rapportĂ©e constitue une mise en abyme de l’histoire de Noah. Le lecteur apprend d’ailleurs quelques pages plus loin que Noah veut quitter l’üle et, en rĂȘve plutĂŽt qu’en rĂ©alitĂ©, il rencontre sur la mer un bateau dans lequel se trouvent deux passagers. Noah explique Le plus jeune des deux se tourne vers moi. Je sursaute. C’est papa. Je crie Ă  pleins poumons » IL 85. La boucle hĂ©tĂ©rochronique est bouclĂ©e. Le pĂšre de Noah a vĂ©cu plusieurs annĂ©es auparavant dans la mĂȘme Ăźle, dans la mĂȘme maison, une aventure semblable Ă  son fils. Tous les deux ont perdu leur pĂšre. Surtout, dans cette Ăźle merveilleuse, le fils Noah reste fascinĂ© par les mĂȘmes jeux que son pĂšre lorsqu’il Ă©tait enfant. Le roman se termine par cette narration d’Eva Mon fils tient en sa main une lumiĂšre, ou quelque chose qui la reflĂšte. La petite Ăźle miroite, entourĂ©e de vagues qui s’agitent comme autant de fragments de verre » IL 96. 22IsolĂ©e, mais pĂ©nĂ©trable, l’üle d’Ensueño existe autant dans le rĂȘve que dans la rĂ©alitĂ©. Tout en reprĂ©sentant l’espoir d’une famille monoparentale, elle permet la diffraction de la lumiĂšre et du temps. L’histoire racontĂ©e par Ana souligne le caractĂšre hĂ©tĂ©rochronique de l’üle, principe foucaldien qui ne se trouvait pas dans le roman de Daigle. Enfin, l’üle du roman rend compte du fait que, comme le souligne Foucault, toutes les cultures se crĂ©ent des hĂ©tĂ©rotopies Quand ils content leurs histoires, on sent qu’il y en a d’autres, plus secrĂštes, bien enfouies, presque effacĂ©es. Ces gens ont la beautĂ© des vaincus, les naufrages les ont amenĂ©s en ce lieu, c’est pourquoi ils ne s’inclinent devant rien d’autre que la mer » IL 46. L’üle comme quĂȘte 23La portĂ©e mĂ©taphorique Ă©vidente de l’üle dans les romans de Daigle et d’Archambault montre un lieu qui passe difficilement de l’irrĂ©alitĂ© utopique de la posture d’écrivain ou du rĂȘve familial Ă  la rĂ©alitĂ© hĂ©tĂ©rotopique du texte dans les deux cas, l’écriture devient ce vecteur de la rĂ©alitĂ©, puisque les Ăźles deviennent le texte en marche, son temps et son espace. Si Foucault soutient que toutes les cultures prĂ©sentent des lieux hĂ©tĂ©rotopiques, ces hĂ©tĂ©rotopies ne partagent pas toujours les mĂȘmes fonctions. Passer ainsi de romans acadiens Ă  un conte portugais montre bien l’ampleur du changement de refuge pour naufragĂ©s », l’üle devient un lieu Ă  trouver, un possible, dans la plus pure tradition utopiste. 24 Les Lusiades de LuĂ­s de CamĂ”es, rĂ©cit Ă©pique fondateur dans la littĂ©rature portugaise, relate, de façon centrale, la dĂ©couverte des Indes de Vasco de Gama. Le conte de l’üle inconnue de JosĂ© Saramago ne manque pas d’y faire Ă©cho. On y trouve, en effet, un homme qui cogne Ă  la porte du roi de son pays pour avoir un bateau Et pourquoi veux-tu donc un bateau, peut-on le savoir, tel fut en effet ce que le roi lui demanda [
], Pour me lancer Ă  la recherche de l’üle inconnue, rĂ©pondit l’homme, Quelle Ăźle inconnue, demanda le roi en dĂ©guisant son rire [
], L’üle inconnue, rĂ©pĂ©ta l’homme, Sottise, il n’y a plus d’üles inconnues, Qui t’a dit, ĂŽ roi, qu’il n’y a plus d’üles inconnues, Elles sont toutes sur les cartes, Sur les cartes il y a seulement les Ăźles connues, Et quelle est donc cette Ăźle inconnue que tu cherches, Si je pouvais te le dire, elle ne serait plus inconnue, Qui t’en a parlĂ©, demanda le roi, Ă  prĂ©sent plus sĂ©rieux, Personne, Dans ce cas, pourquoi t’obstines-tu Ă  dire qu’elle existe, Simplement parce qu’il est impossible que n’existe pas une Ăźle inconnue 2001 16-178. 25Ce long passage rĂ©vĂšle la nature de l’üle pour le protagoniste elle est une possibilitĂ© irrĂ©futable, le contraire, en l’occurrence, de l’utopie. Plus encore, comme l’üle de France Daigle n’appartient pas Ă  l’Histoire, celle de Saramago n’appartient pas Ă  la gĂ©ographie. L’homme qui cherche une Ăźle souligne d’ailleurs au capitaine qui lui remet son bateau [P]arfois on fait naufrage en chemin, mais si d’aventure cela m’arrivait, tu devras inscrire dans les annales du port que je serai arrivĂ© jusque-lĂ , Tu veux dire qu’on arrive toujours quelque part, Tu ne serais pas qui tu es si tu ne savais pas cela » CII 28. Dans sa quĂȘte, forcĂ©ment, il atteindra un point et celui-ci constituera dĂ©jĂ  le lieu recherchĂ© l’üle existe nĂ©cessairement puisque le protagoniste finira quelque part. En ce sens, la quĂȘte de l’üle fait exister l’üle, elle devient, qu’importe la destination, le lieu d’arrivĂ©e. Il s’agit d’un lieu individuel qui appartient davantage Ă  celui qui le cherche qu’à l’univers rĂ©fĂ©rentiel. C’est d’ailleurs ainsi qu’on peut comprendre la rĂ©plique de la servante empruntĂ©e au philosophe du roi [C]haque homme est une Ăźle » CII 40. Inversant la formule bien connue de John Donne – No man is an Island » –, la servante Ă©nonce l’essence de la quĂȘte du hĂ©ros plutĂŽt que de trouver l’üle inconnue pour la rendre connue – l’inscrire dans la gĂ©ographie, dans l’Histoire –, il la cherche pour se trouver lui-mĂȘme. Il dit [J]e veux trouver l’üle inconnue, je veux savoir qui je suis quand j’y aborderai » CII 40. 26À la fin du Conte de l’üle inconnue, le hĂ©ros rĂȘve de son dĂ©part, imagine des sacs de terre et de plantes qui se rĂ©pandent sur le pont du bateau de telle sorte qu’aprĂšs des jours en mer, le navire est une vĂ©ritable forĂȘt. Ce rĂȘve sert Ă  penser le nom du bateau, que la servante et le hĂ©ros donnent au matin, Ă  leur rĂ©veil ils le nomment L’Île Inconnue. Cela permet les derniers mots du livre, Ă©crin de la morale du conte Vers l’heure de midi, avec la marĂ©e, L’Île Inconnue prit enfin la mer, Ă  la recherche d’elle-mĂȘme » CII 60. L’üle devient ainsi pleinement accessoire, et le lien tissĂ© depuis le dĂ©but du conte – l’objet de la quĂȘte est la quĂȘte elle-mĂȘme – se trouve explicitĂ©. Du mĂȘme coup, l’üle perçue dans ce conte devient cette hĂ©tĂ©rotopie par excellence » dont nous parle Foucault, soit le navire. La nature utopique du lieu se voit ainsi contredite ; l’utopie en tant que concept paraĂźt mĂȘme refusĂ©e par le hĂ©ros pour qui tous les lieux existent pour peu que quelqu’un les cherche. 27Le concept de l’hĂ©tĂ©rotopie, on le sait, appartient Ă  l’espace du dehors », celui dans lequel, nous dit Foucault, nous vivons, par lequel nous sommes attirĂ©s hors de nous-mĂȘmes, dans lequel se dĂ©roule prĂ©cisĂ©ment l’érosion de notre vie, de notre temps et de notre histoire » 2001 1573-1574. À plusieurs Ă©gards, l’aspect mĂ©taphorique de l’üle dans les trois Ɠuvres sur lesquelles nous nous sommes penchĂ©s prĂ©sente aussi bien un lieu du dedans » lieu de l’écriture, du souvenir et de la rĂȘverie, de la quĂȘte de sens. L’aspect concret de l’üle est cependant informĂ© par un cadre culturel – l’isolement de l’auteur chez Daigle, lĂ  oĂč atterrissent ceux qui sont rejetĂ©s par la mer chez Archambault, le lointain et l’inconnu chez Saramago – qui lui donne son aspect hĂ©tĂ©rotopique elle reconduit les projections des cultures. Lost l’ultime rĂ©cit 28La premiĂšre dĂ©cennie du XXIe siĂšcle pourrait bien ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme un nouvel Ăąge d’or de la tĂ©lĂ©vision. Pensons simplement Ă  l’inventivitĂ© et au succĂšs des Sopranos, de Six Feet Under ou The Wire. Dans un registre complĂštement diffĂ©rent, plus littĂ©raire, plus philosophique, la sĂ©rie Lost Perdus, en français – Abrams, Lieber et Lindelof, 2004-2010, avec ses six saisons, propose certainement un des rĂ©cits de l’üle les plus poignants. Si l’idĂ©e de dĂ©part s’avĂšre somme toute simple – un groupe d’étrangers Ă  bord d’un vol Sidney-Los Angeles s’écrase sur une Ăźle supposĂ©ment dĂ©serte –, la sĂ©rie se complexifie au fil des Ă©pisodes en raison de la multifocalisation de la narration, des analepses et des prolepses. Dans une rĂ©flexion rĂ©cente, l’écrivain Louis Hamelin avouait sa fascination pour cette sĂ©rie Ça ne se raconte pas. Ni l’intrigue, embrouillĂ©e au-delĂ  de toute possibilitĂ© de synthĂšse immĂ©diatement intelligible, ni l’expĂ©rience de visionnement. [
] qu’allais-je chercher dans Perdus et qu’y ai-je trouvĂ© qui ne se trouve pas dans 90 % des ouvrages de fiction dont m’accablent les distributeurs de livres ? 2013 8 29Pour l’écrivain quĂ©bĂ©cois, l’expĂ©rience esthĂ©tique unique que procure Lost se rĂ©sume Ă  trois mots mystĂšre, complexitĂ© et personnages. Hamelin explique Dans Perdus, on veut savoir
 OĂč on est. Qu’est-ce que se passe au juste ? Qui. Comment. La nature mĂȘme du monde s’est muĂ©e en Ă©nigme » 2013 9. En fait, au centre de ce monde se trouve l’üle. Personnage principal, l'Ăźle complexifie le mystĂšre et les personnages. L’üle-Ă©nigme. 30DĂšs la fin du premier Ă©pisode, le lieu pose problĂšme alors que le personnage de Charlie se demande Guys, where are we ? » L’üle dans Lost devient le lieu de tous les recommencements, mais les actions et les motivations des personnages sur l’üle demeurent toujours liĂ©es Ă  leur vie antĂ©rieure. Perdus sur le plan psychologique dans leur vie continentale, les personnages se perdront physiquement dans cette Ăźle mystĂ©rieuse. Que permet l’üle ? À quoi sert-elle ? À un premier niveau, elle permet justement Ă  plusieurs personnages de trouver une certaine forme de rĂ©demption. Par exemple, le personnage de Kate Austen Ă©tait une criminelle menottĂ©e Ă  bord de l’avion. À la suite de l’écrasement, elle peut refaire sa vie autrement. De son cĂŽtĂ©, Sayid Jarrah, un ancien soldat irakien, doit vivre sur l’üle avec la culpabilitĂ© d’avoir torturĂ© des hommes et des femmes, dont une amie d’enfance. On pourrait alors avancer que l’üle reste au niveau de l’utopie du recommencement, qu’elle existe comme simple microcosme de la sociĂ©tĂ©. En fait, les propriĂ©tĂ©s mystĂ©rieuses de l’üle et les habitants qui s’y trouvent avant l’écrasement de l’avion font de ce lieu une vĂ©ritable hĂ©tĂ©rotopie. À premiĂšre vue, l’üle juxtapose plusieurs espaces incompatibles un bunker qui sert Ă  contenir une forte charge Ă©lectromagnĂ©tique, un bateau loin sur la terre ferme, une statue peut-ĂȘtre Ă©gyptienne, des stations expĂ©rimentales datant des annĂ©es 1970, une source de lumiĂšre mystĂ©rieuse et plus encore. Par ailleurs, l’üle intĂšgre en son sein un engrenage qui lui permet de voyager sur l’axe du temps, ce qui en fait une hĂ©tĂ©rochronie Ă  partir de la cinquiĂšme saison. Il est Ă©galement trĂšs difficile de trouver l’üle, d’y entrer et d’en sortir. Par exemple, Desmond tente de quitter l’üle par bateau, mais comme il ne connaĂźt pas le bon degrĂ© sur la boussole, il revient toujours au point de dĂ©part. Lorsque des personnages tentent de revenir sur l’üle par avion, ils doivent recrĂ©er les conditions du premier Ă©crasement. Plus important encore, l’üle possĂšde une fonction primordiale lorsqu’elle est mise en rapport avec le reste du monde. Deux extraits capitaux mettent en lumiĂšre l’importance de cette figure spatiale. 31À la fin de la premiĂšre saison, les deux personnages les plus importants – et opposants – proposent un raisonnement qui expliquerait l’écrasement de leur avion et surtout leur arrivĂ©e sur l’üle. L’équation est simple d’une part, John Locke – au nom rĂ©vĂ©lateur en ce qui a trait Ă  l’utopie Ă©conomique – croit au destin et demeure convaincu que les survivants ont Ă©tĂ© amenĂ©s sur cette Ăźle par une force supĂ©rieure. Il croit en l’üle avec la foi d’un fervent disciple. D’ailleurs, paraplĂ©gique avant d’arriver sur l’üle, il est sauvĂ© par elle en y retrouvant l’usage de ses jambes. D’autre part, Jack Shephard ne croit pas aux miracles et souhaite seulement retrouver la terre ferme, le continent. Tel un sauveur, berger des survivants, comme son nom de famille l’indique, et mĂ©decin de profession, il croit aux faits, au tangible et au libre choix. Pour Shephard, l’üle n’est qu’une Ăźle et les secours ne tarderont pas Ă  arriver9 32 33Ce passage essentiel de la sĂ©rie doit ĂȘtre compris en parallĂšle avec une scĂšne semblable qui prend place Ă  la fin de la quatriĂšme saison, oĂč Locke et Shephard argumentent au sujet de la fonction de l’üle. Par ailleurs, au moment oĂč se dĂ©roule cette scĂšne, le spectateur en sait plus que les personnages Shephard quittera effectivement l’üle, mais rongĂ© par la culpabilitĂ©, il souhaitera y revenir comme l’avait prĂ©dit John Locke10 34 35Dans ce riche extrait, il faut surtout retenir le passage qui traite de la figure spatiale. Locke explique que Shephard devra mentir afin de protĂ©ger l’üle. Évidemment, l’homme de science indique qu’il ne s’agit que d’une Ăźle, qu’elle n’a pas besoin d’ĂȘtre protĂ©gĂ©e. L’homme de foi rĂ©torque alors Ce n’est pas qu’une simple Ăźle, c’est un endroit oĂč des miracles se produisent ». De saison en saison, le spectateur finit par comprendre les motivations des personnages, leur logique tributaire de la vie antĂ©rieure qu'ils ont menĂ©e, mais l’üle, jusqu’aux deux ou trois derniers Ă©pisodes, demeure le personnage central imperturbable, impĂ©nĂ©trable. Pour les protagonistes, l’üle n’est jamais tout Ă  fait un temps zĂ©ro, un temps qui n’existerait que sur l’üle. Sur le plan ontologique, si l’on peut s’exprimer ainsi en parlant d’un lieu, l’üle doit ĂȘtre protĂ©gĂ©e, car elle abrite la Source de la vie qui elle-mĂȘme retient le mal incarnĂ©. Mythologique et mĂ©taphysique Ă  la fois, l’üle de Lost se conçoit comme la figure spatiale tutĂ©laire ultime, la somme de tous les rĂ©cits Ăźliens. 36En ce sens, l’üle peut aisĂ©ment ĂȘtre le microcosme de l’humanitĂ©. Dans les derniers Ă©pisodes de la sĂ©rie, on apprend que deux frĂšres habitent l’üle depuis trĂšs longtemps. Ils ne peuvent se tuer directement l’un l’autre. Un dialogue crucial permet au spectateur de comprendre que tout comme Jean-Jacques Rousseau, Jacob, le frĂšre vĂȘtu de blanc, croit que l’homme naĂźt bon et que c’est la sociĂ©tĂ© qui le corrompt, alors que son frĂšre, l’homme en noir, croit que l’humanitĂ© est une cause perdue Jacob I take it you’re here because of the ship. Homme en noir I am. How they did find the island ? J You’ll have to ask them when they get here. H I don’t have to ask. You brought them here. Still trying to prove me wrong, aren’t you ? J You are wrong. H Am I ? They come, fight, they destroy, they corrupt. It always ends the same. J It only ends once. Anything that happens before that is just progress. The Incident », saison 511 37L’üle de Lost sert de systĂšme de sĂ©curitĂ© pour que l’homme en noir ne dĂ©truise pas le monde. Jacob est le protecteur attitrĂ© de l’üle et par le fait mĂȘme du monde. Pour Jacob, un groupe de nouveaux arrivants finira bien par ĂȘtre assez bon pour Ă©ventuellement le remplacer. Ainsi, l’üle n’existe pas en elle-mĂȘme, pour elle-mĂȘme. Elle est plus qu’une simple Ăźle. MalgrĂ© la difficultĂ© de la trouver, elle demeure en relation avec le monde continental une hĂ©tĂ©rotopie qui permet de garder en Ă©quilibre tous les mondes possibles. ~ ∞ ~ 38Que l’üle ait permis de projeter des visions du monde au temps des grandes utopies constitue sans doute une des marques culturelles les plus importantes imposĂ©es Ă  ce lieu. Au-delĂ  de son isolement constitutif, l’üle est instruite par un vaste corpus mythique et littĂ©raire allant de l’OdyssĂ©e d’HomĂšre aux Voyages de Gulliver de Jonathan Swift, en passant par toutes ces variations philosophiques, religieuses et Ă©conomiques qui ont fait Ɠuvre de la Renaissance Ă  aujourd’hui. Qu’un des personnages les plus importants de Lost prenne le nom d’un philosophe auquel est associĂ©e une utopie Ăźlienne en dit beaucoup sur cet historique qui fait de l’üle une riche figure dans la littĂ©rature contemporaine. 39Les Ɠuvres littĂ©raires s’approprient ce lieu de façon bien diffĂ©rente, mais si nous avions choisi d’autres Ɠuvres – L’üle de bĂ©ton de Ballard, L’üle introuvable » d’Yves ThĂ©riault, The Beach d’Alex Garland –, il n’est pas certain que le constat final aurait Ă©tĂ© diffĂ©rent. De fait, nous avons tentĂ© de montrer que l’üle dans la littĂ©rature contemporaine flirte volontiers avec son statut canonique – le lointain utopique – sans pour autant y succomber ; la figure est toujours envisagĂ©e comme lĂ  – c’est-Ă -dire quelque part – sans y ĂȘtre elle est possible et rĂ©elle, rĂ©elle de façon fictive, consentie par la fiction. Ainsi, pour reprendre les propos de Bertrand Gervais sur la figure en contexte de lecture, l’üle comme figure attire le sujet et en mĂȘme temps lui rĂ©siste ; elle se prĂ©sente comme une Ă©nigme qui inquiĂšte, car exigeant d’ĂȘtre rĂ©solue, et rassure parce qu’elle est dĂ©jĂ  posĂ©e » 2007 16. Cette indĂ©cision de l’üle, rĂȘvĂ©e et concrĂšte chez Nathalie Archambault, chantier mĂ©taphorique chez France Daigle, objet de quĂȘte devenu sujet chez Saramago, montre toute sa fĂ©conditĂ© avec Lost, qui marie volontiers le rĂ©el et le concret – la guerre d’Irak, l’imaginaire du 11 septembre 2001 matĂ©rialisĂ© par l’écrasement d’avion – et le mythique merveilleux – Jack Shephard et John Locke comme figures christiques, les frĂšres ennemis aux racines du monde, le destin, le lieu sanctuaire. Le choix de l’hĂ©tĂ©rotopie n’est donc pas gratuit ou anecdotique l’üle paraĂźt effectivement enjamber deux rĂ©gimes spatio-temporels, celui du mythe et de la mĂ©taphore, celui du texte et de l’Histoire. 40On comprend bien pourtant que l’utopie n’est jamais loin Lost se dĂ©voile en tant que microcosme d’une humanitĂ© en quĂȘte de sens ; au fil de la tĂ©lĂ©sĂ©rie, les questions sur l’Origine de l’üle et sur son but se muent en interrogations sur l’Origine du monde. La portĂ©e mĂ©taphorique des Ăźles littĂ©raires que nous avons analysĂ©es n’est pas sans indiquer, elle non plus, un espace essentiellement irrĂ©el », lieu de projections thĂ©oriques. Mais couper notre conception de l’üle de sa matiĂšre concrĂšte, de ce qui la relie Ă  l’univers rĂ©fĂ©rentiel, au-delĂ  du reflet universel qu’elle projette, c’est se priver de sa capacitĂ© Ă  ĂȘtre au monde, et la rĂ©duire Ă  sa facultĂ© de reprĂ©sentation. L’üle reprĂ©senterait autre chose. 41Foucault pense une expĂ©rience mixte, mitoyenne » entre l’utopie et l’hĂ©tĂ©rotopie Le miroir, aprĂšs tout, c’est une utopie, puisque c’est un lieu sans lieu. Dans le miroir, je me vois lĂ  oĂč je ne suis pas, dans un espace irrĂ©el qui s’ouvre virtuellement derriĂšre la surface, je suis lĂ -bas, lĂ  oĂč je ne suis pas, une sorte d’ombre qui me donne Ă  moi-mĂȘme ma propre visibilitĂ© [
]. Le miroir fonctionne comme une hĂ©tĂ©rotopie en ce sens qu’il rend cette place que j’occupe au moment oĂč je me regarde dans la glace, Ă  la fois absolument rĂ©elle, en liaison avec tout l’espace qui l’entoure et absolument irrĂ©elle puisqu’elle est obligĂ©e, pour ĂȘtre perçue de passer par ce point virtuel qui est lĂ -bas 2001 1575. 42L’üle n’est pas une reprĂ©sentation d’autre chose dans la mesure oĂč elle est, Ă  la fois, cette chose autre ; comme le miroir, l’üle est absolument rĂ©elle » dans les fictions Ă©tudiĂ©es ici, mais toujours, il semblerait qu’elle ne nous atteigne que par le rĂȘve ou la mĂ©taphore, en maniĂšre de miroir. On se souviendra du rĂȘve de Noah qui lie le temps du pĂšre et le temps du fils au sein de l’üle, puis du rĂȘve de l’homme qui cherche une Ăźle dans lequel le bateau devient l’üle recherchĂ©e. On connaĂźt aussi la fin de Lost, qui rĂ©duit tristement l’üle Ă  une projection des naufragĂ©s avant la dĂ©livrance par la mort ; cette rĂ©duction reste nĂ©anmoins indĂ©cidable, puisque demeure cette histoire de l’üle dont ont Ă©tĂ© instruits les tĂ©lĂ©spectateurs, une histoire qui n’appartient d’aucune maniĂšre aux seuls personnages. 43L’üle passe ainsi tranquillement de l’utopie Ă  l’hĂ©tĂ©rotopie dans ses diverses manipulations culturelles. Il n’est pas interdit que le mouvement soit flou, indĂ©cis, inachevĂ©, et qu’en chemin l’üle apparaisse, comme des miroirs, entre la chose mĂȘme et son reflet diffractĂ©.

inventer une histoire sur une ßle déserte